Archives mensuelles : mai 2013

E.N.R.

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La France est un des rares pays européens où la part de l’électricité provenant d’énergies nouvelles et renouvelables (ENR) a diminué entre 1990 et 2011[1]. Notre pays se prive ainsi d’un gisement d’emplois, estimé pour 2030 à plus de 500.000 emplois[2] et d’un formidable filon de croissance et d’innovation.
On sait par ailleurs que l’efficacité énergétique et le développement des ENR, ressources nationales, abondantes et inépuisables, représentent un réel atout pour réduire les importations d’énergies primaires (pétrole, gaz et uranium [3]). Celles-ci représentaient en 2012 la bagatelle de 69 milliards d’euros.

Il faut donc créer de façon urgente les conditions d’un « choc énergétique ».

Le pays s’est lancé fin 2012 dans un débat sur la transition énergétique dont on peut regretter qu’il soit peu audible [4] : organisation confuse, absence de pédagogie, débats territoriaux peu convaincants. C’est dans ces conditions que se poursuit l’asphyxie de la filière photovoltaïque, qui a de graves conséquences sur l’emploi. Les « mesures d’urgence » n’empêchent pas la disparition d’une à trois PME chaque semaine, dans l’indifférence générale. Ce constat est confirmé au plus haut sommet de l’Etat : « moins 15.000 emplois en deux ans », a reconnu François Hollande lors de la Conférence Environnementale le 14 septembre dernier. Pire, l’organisation du marché, de plus en plus étouffante, inquiète les quelques PME qui surnagent et désespèrent d’être entendues.

L’objectif récemment revu mais étriqué d’environ 900 MW/an [5] interdit toute ambition industrielle nationale, pendant que des dispositifs règlementaires font vaciller les efforts et les financements. De plus, le maintien d’une procédure d’appels d’offre inefficace et de plus en plus discriminatoire décourage le plus têtu des entrepreneurs, étranglé et dissuadé par la politique tarifaire.

Bien sûr, l’objectif peut sembler louable : limiter le dumping chinois. Mais on se trompe de cible. Le but doit être de produire massivement des kWh « verts » sur le territoire national, garants d’une plus grande indépendance, car il s’agit ici d’un des principaux enjeux de la transition énergétique.

Que pèsent en effet, deux à trois cent millions d’euros de modules chinois importés face aux 69 milliards du déficit énergétique du pays ? L’immense majorité des emplois de la filière proviennent d’abord de l’ingénierie des projets, de la fabrication des composants, de la construction, des logiciels, de la maintenance, tous non délocalisables et à haute valeur ajoutée. Imagine-t-on que la France puisse un jour concurrencer les Chinois dans la fabrication de PC ou de smartphones ? Malheureusement, non. Par contre, nous le faisons dans leurs multiples utilisations (R&D, sociétés de services informatiques, opérateurs, développement d’applications…). Et puis, s’insurge-t-on que les éoliennes d’Areva ou d’Alstom soient fabriquées respectivement en Allemagne et en Espagne. S’émeut-on que les cuves des réacteurs nucléaires EPR actuellement en construction soient fabriquées au Japon ?

Les objectifs 2020 sur lesquels la France s’est engagée vis-à-vis de l’Europe sont pourtant déjà hors de portée. On ne doit donc pas attendre 2014 / 2015 pour voir s’appliquer les premières mesures du débat sur la transition énergétique. Si pour le solaire par exemple, le moratoire de décembre 2010 a généré, par un simple arrêté, la perte de 15.000 postes, un nouvel arrêté pourrait en recréer au moins 10.000 dans l’année [6]. Au nom de quoi s’en priver, alors que la lutte contre le chômage est considérée par 80% des Français[7] comme la « priorité des priorités ».

Il est temps de prendre rapidement de telles mesures et de fixer un objectif ambitieux et crédible de production d’énergie solaire (au moins 25.000 MW). Avec de la volonté et du courage, un choc énergétique est à portée de main.

Par Paul Quilès et Benoit Praderie
Paul Quilès est ingénieur, maire de Cordes-sur-Ciel, ancien ministre et ancien député
Benoit Praderie est ingénieur, entrepreneur et président de la fédération d’associations Planète Eolienne

[1] « Energie : le retard français. » Alternative Economique, mars 2013.
[2] Etude récente du CIRED (Centre international de recherche sur l’environnement et le développement) approfondissant les travaux de l’association NEGAWATT
[3] Car, en tenant compte des importations d’uranium, le taux d’indépendance énergétique réel du pays n’est que de 10% environ, loin des chiffres supérieurs à 50% annoncés officiellement.
[4]Sondage IPSOS, déc. 2012 : 4 Français sur 5 n’ont jamais entendu parler du débat national sur la transition énergétique mais 4 Français sur 5 le jugent important.
[5] C’est ce qu’ont installé l’Allemagne et l’Italie l’année dernière en… 3 semaines !!
[6] Par exemple : abandon des appels d’offres et de l’intégration au bâti, rétablissement d’un tarif simplifié avec 3 niveaux de puissance (0,35 €/kWh jusqu’à 9 kW, 0,15€/kWh jusqu’à 4,5 MW, 0,11€/kWh jusqu’à 10 MW, pas de tarif au delà), révision annuelle (et non plus trimestrielle) des tarifs planifiés sur le long terme (principe allemand du « corridor »), accélération des délais d’instruction, mise en place d’une contribution de 0,5 centime par kWh produit pour financer la R&D.
[7] Sondage IFOP pour Sud-Ouest du 6 avril 2013

http://www.enerzine.com/823/solaire—la-france-en-retard-d-un-choc-energetique/participatif.html

Gaz de Shiste, la fin…?(article de reporterre)

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                                                                                                                         Le gaz de schiste approche lui aussi de son pic…

Ah, les miracles promis par le gaz de schiste, « la manne extraordinaire sous nos pieds » vantée par la patronne du Medef , la promesse d’une Amérique indépendante pour cent ans ! Ô, châteaux en Espagne, lubies fantasmagoriques, rêves insensés ! Mais le songe creux d’une énergie inépuisable s’évapore comme le méthane, les faits commencent à dissiper les discours mensongers de ceux qui ne veulent rien changer.
Le 8 mai, on a appris que deux compagnies gazières, Talisman Energy et Marathon Oil, se retiraient de l’exploration du gaz de schiste en Pologne. Pourquoi ? Parce qu’elles n’ont pas trouvé suffisamment de gaz, qui se révèle ne pas être aussi aisé à extraire qu’aux Etats-Unis. Sur 43 puits creusés jusqu’à présent en Pologne, seuls 12 ont produit du gaz. La Pologne, à qui l’on avait promis des réserves immenses de 5 trillions de mètres cubes, ramenées ensuite à 800 milliards, découvre la différence entre le potentiel, le possible et le faisable.
Il ne fait guère de doute que d’autres pays vont subir les mêmes déconvenues que la Pologne, même s’ils sont prêts à faire fi de ce qu’implique l’exploitation des gaz de schiste : l’atteinte aux paysages, la consommation et la pollution des eaux, les émissions de gaz à effet de serre. Et même aux Etats-Unis, la réalité apparaît moins rose qu’elle n’est usuellement présentée.
Le pot aux roses, justement, a été découvert par un géologue canadien, David Hughes, dans une importante étude publiée par le Post Carbon Institute, en février. Le chercheur a analysé les données historiques de production sur 65 000 puits forés aux Etats-Unis. Il met en évidence un phénomène connu, mais jusque-là pas systématiquement étudié : la production de gaz de schiste ne peut se maintenir à des niveaux élevés qu’à condition de creuser sans arrêt de nouveaux puits. En effet, le rendement d’un puits isolé décline très rapidement dans le temps.
Même si le nombre de puits forés se maintient à un niveau très élevé (43 000 aux Etats-Unis en 2012, selon Oil and Gas Journal), la production globale tend à se stabiliser. Le même constat est applicable au pétrole de schiste, qui se développe rapidement dans le Dakota du Nord. En fait, estime Hughes, un pic du gaz et du pétrole de schiste va se produire aux Etats-Unis, c’est-à-dire que la production va stagner avant de décliner. Date prévue : 2017.
Ce phénomène reflète une loi fréquemment oubliée par le discours dominant, qui est celle des rendements décroissants. En énergie, elle trouve son application dans le concept de « taux de retour énergétique » (TRE ; en anglais, EROI, « energy return on energy invested »). Celui-ci traduit le fait que pour obtenir une certaine quantité d’énergie, il faut dépenser de l’énergie. Le rapport entre ces deux quantités est le taux de retour énergétique. Et la loi dominante de l’époque que nous vivons est que le TRE diminue tendanciellement : il faut dépenser de plus en plus d’énergie pour en obtenir. L’ère de l’énergie peu chère est derrière nous. Compris, le Medef ?
http://www.reporterre.net/spip.php?article4240

Le méthane, une solution de stockage pour la transition énergétique ?

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                                                                                                                            2 Gazomètres 2150 m³ – Valladolid Espagne

Afin de réduire les problèmes d’intermittence des ENR, le projet VGV propose de stocker sous forme de méthane les excédents électriques pour réinjecter l’énergie lors des pointes. Une solution étudiée en Allemagne en synergie avec la méthanisation.

Energies  |  15 mai 2013  |  Actu-Environnement.com
L’intermittence reste l’un des principaux talons d’Achille des énergies renouvelables. Mais pour le professeur Robert Bell du Brooklyn College de New-York et l’eurodéputée Corinne Lepage, l’argument ne tient pas si l’on met en place un système de stockage de l’énergie excédentaire performant et souple. Leur solution ? Le système volt gaz volt (VGV) qui vise à stocker l’énergie excédentaire sur le réseau gazier en convertissant l’électricité en méthane (CH4). Ce système « répond à une double logique économique par la lutte contre les déperditions électriques et l’utilisation du captage de CO2« , expliquent les deux défenseurs du projet.
Cette prise de position de l’ancienne ministre de l’Ecologie intervient alors que la France débat de sa transition énergétique. En mettant l’accent sur le méthane en tant que vecteur énergétique, l’option VGV fait écho au scénario négaWatt qui propose de réduire la part de l’électricité au profit du gaz. Un scénario qui, selon les experts chargés de les analyser dans le cadre du débat, figure parmi ceux proposant une trajectoire basse consommation permettant d’atteindre les objectifs du paquet climat énergie et le Facteur 4.
Le principe du VGV s’inspire d’un modèle développé en Allemagne avec un pilote d’une puissance de 25 kilowatts (kW) et un démonstrateur à l’échelle industrielle de 6,3 mégawatts (MW) qui devrait être opérationnel en juin 2013. Le démonstrateur industriel est soutenu par Alsthom et Schneider Electric, des industriels français qui ont pris une participation significative, faisant d’eux le deuxième actionnaire après Audi le porteur du projet.
Tirer profit du CO2 issu de la méthanisation
Concrètement, l’électricité excédentaire est convertie en dihydrogène (H2) et oxygène (O) par catalyse de l’eau comme c’est le cas avec certains systèmes de stockage énergétique sur site, à l’image de la plateforme Myrte développée à Vignola en Corse. Cependant, plutôt que de stocker l’hydrogène avant de le reconvertir en électricité via une pile à combustible, le projet VGV propose de le transformer en méthane et de l’injecter dans le réseau gazier. VGV est aussi une alternative à l’injection directe de l’hydrogène dans le réseau qui, si elle est possible, resterait limitée à une concentration d’H2 inférieure à 20%. D’un point de vue technique, la transformation de l’hydrogène en méthane est bien maîtrisée grâce à des procédés catalytiques basés sur la réaction de Sabatier qui utilise du CO2 et rejette de l’eau.
Les bénéfices seraient multiples, selon les promoteurs. En premier lieu, le stockage du méthane via le réseau ne nécessiterait pas de création de nouvelle structure de stockage dédiée. De même le réseau permet de valoriser cette réserve énergétique sous forme électrique pour répondre à l’intermittence et à la pointe électrique (par le biais des centrales au gaz) ou directement chez les utilisateurs de gaz pour leurs besoins. Pour Corinne Lepage et le professeur Bell, avec un réseau gazier permettant de répondre à une consommation de 110 térawattheures (TWh) et une production électrique de l’ordre de 540 TWh, la France dispose des outils pour gérer l’intermittence engendrée par la substitution d’un tiers sa production nucléaire par des renouvelables.
Autre bénéfice avancé, le procédé permet de valoriser le CO2 émis par diverses sources. En Allemagne, le dioxyde de carbone provient du biogaz produit par les installations de méthanisation. L’avantage est double puisque le méthaniseur bénéficie d’une valorisation du CO2 produit et offre un accès au réseau gazier. Les promoteurs allemands évaluent entre 20 et 40 TWh le potentiel de production de méthane qui pourrait ainsi être produit en utilisant le CO2 extrait des quelques 7.500 sites de production de biogaz outre-rhin.
Planifier les investissements sur 30 ans
Reste qu’actuellement, les coûts du VGV s’élèvent à environ 250 euros par MWh de gaz produit. Cependant, le pilote industriel allemand entend les faire chuter à 80 euros par MWh en 2018. Des coûts contrebalancés en partie par l’absence d’investissements supplémentaires dans le réseau électrique, voire dans un éventuel réseau hydrogène, avance Corinne Lepage. De même, cette solution permettrait de réduire les importations de gaz naturel sans pour autant recourir aux gaz non conventionnels, plaide la députée européenne.
Pour financer ce projet Corinne Lepage propose tout d’abord de tirer partie de la production nucléaire en période de faible demande. La conversion en méthane de cette énergie, aujourd’hui « perdue », permettrait d’amorcer le lancement des infrastructures VGV. Il s’agit d’« utiliser le nucléaire pour subventionner la sortie du nucléaire », proposent les défenseurs du VGV précisant qu’« une fois les installations VGV en grande partie amortie, la source d’énergie serait éolienne et solaire, sans nucléaire ».
Autre option avancée, le financement par un « fonds de régénération intergénérationnel ». Ce fonds, associé à un plan de développement industriel, gérerait des sommes investies sur une longue période. Le blocage sur 30 ans des sommes versées permettrait d’assurer la pérennité du financement de la transition énergétique « dans une démarche trans-générationnelle ». Les producteurs pétroliers et gaziers seraient mis à contribution par réaffectations d’une partie des subventions publiques aux énergies fossiles dont ils bénéficient actuellement. S’appuyant sur une évaluation de la Cour des Comptes, les défenseurs du projet VGV suggèrent de réallouer au minimum un milliard d’euros par an sur les 19 milliards d’euros de subvention. De même, une partie des fonds collectés dans le cadre d’une éventuelle taxe carbone pourrait abonder le fonds de régénération intergénérationnel. Et de rappeler que le rapport Juppé-Rocard a estimé entre 8 et 10 milliards les recettes d’une taxe carbone appliquée à la France. Enfin, les particuliers pourraient investir dans le fonds, à condition de modifier certains aspects fiscaux. Etant donné la longue période d’investissement et l’impossibilité d’en sortir rapidement, Corinne Lepage suggère d’exonérer de droit de succession les sommes versées. Elle estime que la transmission du capital et des intérêts se ferait ainsi de façon particulièrement attractive.


Laurence Mermet
Collaboratrice groupe des élu-e-s Europe Ecologie au Conseil régional de Bretagne
Kenlabourer dilennidi Europa Ekologiezh Ar re C’hlas e kuzul rannvro Breizh