Nous vous proposons ici de retrouver l’intégralité de l’interview de Y.Jadot dans le cadre de l’élection européenne 2019.
C’était le 18 mai 2019 sur France Info
Nous vous proposons ici de retrouver l’intégralité de l’interview de Y.Jadot dans le cadre de l’élection européenne 2019.
C’était le 18 mai 2019 sur France Info
Faux experts et vrais lobbyistes se relaient depuis plus de quarante ans pour imposer une technologie qu’une majorité de Français-es rejette de façon constante. Or, nombre d’arguments avancés par le lobby nucléaire s’avèrent tout bonnement faux. Avec une étonnante facilité, ces contre-vérités ont fini par faire autorité faute d’être contestées à la hauteur de la manipulation.
Le nucléaire permettrait à notre pays d’être indépendant. Pourtant l’uranium est intégralement importé. Le pétrole raffiné en France peut-il être considéré comme une ressource hexagonale ? Non ! Mais pour les besoins de la cause, l’uranium importé du Niger ou du Canada devient par un coup de baguette idéologique une ressource française. Les Nigériens exploités par Areva apprécieront !
De plus, pour accroître la contribution du nucléaire au bilan énergétique national, la chaleur produite par les centrales électronucléaires est comptabilisée alors même qu’elle est dissipée sous forme de chaleur dans les cours d’eau et tours de refroidissement !
Selon l’association Global Chance, « un calcul en énergie finale, déduction faite des exportations d’électricité et de l’uranium importé, conduit à une indépendance énergétique française inférieure à 10 % en 2009, contre 30 % selon le même mode de calcul en 1973. »
Au lancement du programme nucléaire, le risque d’une catastrophe était estimé à un accident majeur tous les « un million d’années / réacteur ». Les 436 réacteurs en fonctionnement ont totalisé 14 000 années-réacteur… Cinq réacteurs ont pourtant vu leur coeur fondre avec l’émission massive de radioactivité dans l’environnement.
Force est donc de constater que l’occurrence d’un accident n’est pas de 1/1 000 000 mais de 5/14 000 ans. A la suite d’un audit parcellaire, l’Autorité de sûreté nucléaire a tout à la fois reconnu que nos centrales n’étaient pas suffisamment sûres mais qu’elles pouvaient continuer à fonctionner… Le président de l’ASN a même déclaré que « nul ne peut garantir qu’il n’y aura jamais d’accident nucléaire en France ». Dont acte !
La France aurait la chance de profiter d’une électricité moins chère. Les Français payent leur électricité 25 % moins cher… mais ils en consomment 1,4 fois plus en moyenne ! De plus, ce faible prix du kWh est acquis grâce à une externalisation massive d’un certain nombre de coûts. Les sommes allouées au lobby nucléaire par l’Etat français au titre de la « Recherche et Développement », les provisions envisagées pour le démantèlement des vieux réacteurs totalement sous-estimées, les montants nécessaires pour assurer la maintenance et le rafistolage des réacteurs vieillissants, le traitement éternel des déchets nucléaires (dont le coût du stockage de déchets nucléaires de Bure pourrait osciller entre 16 et 58 milliards d’euros, soit une différence d’à peine 42 Md€ ), sans évoquer le coût d’une catastrophe nucléaire sont quelques-uns de ces coûts que les générations futures devront supporter parce que le consommateur français des années 1980/2010 a souhaité gagner quelques dizaines d’euros par an sur sa facture !
Alors que le nucléaire produit à peine 3% de l’énergie finale consommée dans le monde, le nucléaire serait LA solution au dérèglement climatique. Un grand nombre d’études estiment pourtant que le bilan carbone d’un kWh nucléaire avoisine les 60g de CO2 (plus que l’éolien ou le photovoltaïque !). Même en multipliant par 5 la part du nucléaire dans la consommation mondiale d’énergie finale (ce qui reviendrait à prendre le risque de subir une catastrophe nucléaire tous les deux ou trois ans !), le problème du dérèglement climatique resterait entier puisque le nucléaire est « hors-jeu » pour 75 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. En multipliant par 5 le nombre de réacteurs, les ressources d’uranium seraient épuisées en moins de 20 ans. Enfin, le nucléaire, technologie lourde et peu flexible, est particulièrement sensible aux aléas climatiques qui ne manqueront pas de se multiplier à l’avenir.
Sécheresses en été réduisant l’alimentation en eau pour le refroidissement des réacteurs, tempêtes en hiver… le nucléaire ne répondra pas à la menace climatique mais en sera sans doute l’une des premières victimes !
Par le passé, les déchets nucléaires ont été immergés en mer. Certains pensaient même les envoyer dans l’espace ou les déposer sournoisement sous la banquise… Avec une subtilité qui n’a d’égal que son cynisme, le lobby nucléaire espère pouvoir désormais les enfouir sous terre ou nous faire croire qu’ils seraient recyclés.
La fable entourant la « gestion » des déchets nucléaires est l’un des mensonges les mieux entretenus par ceux qui ne savent que faire, en définitive, de ces rebuts radioactifs. Dans les faits, le combustible usagé est dit « retraité » lorsque une toute petite partie des déchets est réutilisée sous forme de Mox, mélangée à de l’uranium « frais ». La technique dite du « retraitement » induit des rejets chimiques massifs tout en engendrant des déchets ultimes beaucoup plus radiotoxiques et l’accumulation de plutonium, matière première de la bombe atomique. A l’issue de ce processus shadokien, les déchets demeurent… des déchets hautement radioactifs ! Mais en évoquant un pseudo « recyclage », le lobby nucléaire règle, sémantiquement, un problème insoluble.
A l’annonce d’une éventuelle sortie du nucléaire, le lobby nucléaire a fourbi ses armes en invoquant la suppression de 125 000 emplois directs. Areva a même évoqué 410 000 emplois, EDF un million… et un syndicat rassemblant les industries utilisant de l’énergie, deux millions. En réalité, le nucléaire emploie directement et indirectement environ 239 000 personnes en France. A titre de comparaison, l’Allemagne emploie directement près de 370 000 personnes pour le seul secteur des énergies renouvelables et environ 130 000 dans le secteur de la maîtrise de l’énergie et de l’efficacité énergétique. A la différence de nombreuses autres industries, le secteur des énergies vertes n’est pas délocalisable et tient compte des ressources de chaque territoire.
Une jeune étudiante allemande a réalisé une étude en 1993, dans laquelle elle analyse en totalité le circuit logistique d’un produit: le pot de yaourt aux fraises.
Il est difficile de se rendre compte du circuit incroyablement complexe que réalisent les différents éléments de ce pot de yaourt.
Il faut penser au papier, à l’aluminium et à la colle de l’opercule ainsi qu’à l’encre pour imprimer, puis il y a les fruits acheminés dans une usine pour être transformés en confiture pour repartir à nouveau, le lait prélevé dans des fermes pour être transformé en yaourt, le pétrole qui sert à faire le plastique qui sert à faire le pot …etc …etc…
En tout, ce sont environ 9115 km qui sont parcourus pour que notre petit pot sorte de l’usine !
Si vous ajoutez à cela les 668 km de distance moyenne entre l’usine et le consommateur, ainsi que les 2500 km par an parcourus par un européen pour aller faire ses courses, vous conviendrez que la dépense énergétique est colossale.
Le plus incroyable c’est que tout cela est optimisé et que cette logistique complexe a fait probablement l’objet d’études technique et économiques très poussées !
L’enseignement à tirer de cette étude est que tout cela n’est possible que grâce au très faible coût de l’énergie. Avec ce type de logistique, c’est la seule possibilité pour que nous ayons des yaourts à la fraise dans nos supermarchés.
Les Echos n° 21461 du 20 Juin 2013 • page 6
C’est un bon début. Le nombre d’offres d’emplois proposés dans l’économie verte a crû de 75 % par rapport à mars 2012, signale la dernière édition du baromètre que la CGPME consacre à ce secteur depuis un an. Le cabinet Orientation Durable, qui a passé au crible 120 sites Internet d’annonces, recense 2.219 offres cumulées fin 2012. Sans réelle surprise, les énergies renouvelables (EnR) raflent la mise avec quelque 1.293 propositions. Ce qui n’en fait pas la filière la plus dynamique pour autant. Les propositions d’emploi, dans deux cas sur trois, correspondent à des profils de commerciaux dans les EnR où le nombre de postes de techniciens à pourvoir, en revanche, diminue. « Cela signifie que les entreprises pensent d’abord à assurer leur trésorerie. Qu’elles ne se placent pas dans une perspective d’investissement », décrypte Jean-Philippe Teboul, le directeur d’Orientation Durable.
Le secteur de l’efficacité énergétique (isolation des bâtiments, système de gestion et de contrôle des consommations) s’avère être le plus tonique. Le nombre des opportunités d’embauche y a plus que doublé sur la période, même s’il demeure modeste (575 offres d’emplois). Surtout, il demande nettement plus de professionnels de terrain (installateurs, thermiciens, etc.) que de vendeurs. Cette tendance devrait se poursuivre. Les pouvoirs publics ont balisé ce marché. Toutes les réglementations thermiques sont à jour et les entreprises opérant dans ce secteur, assurées d’y voir clair. Celles-ci peuvent tabler sur retour sur investissement bien plus rapide que celles intervenant dans les EnR.
Pour ces dernières, les règles du jeu n’ont cessé de bouger, notamment le tarif de rachat, et ne sont pas stabilisées. Autre différence « c’est un marché de long terme. Tout le monde est sûr que la parité réseau [quand les coûts de production de l’électricité d’origine conventionnelle et de celle issue d’EnR se rejoignent, NDLR], surviendra un jour. Mais personne ne sait très précisément quand », analyse l’expert d’Orientation Durable.
Les professionnels de la filière EnR attendent du débat national en cours sur la transition énergétique, qui doit se conclure le 18 juillet, pour être plus au clair. S’il déboucher effectivement sur une une refonte des dispositifs de soutien, ce sont, à échéance 2020, « entre 125.000 à 140.000 emplois supplémentaires que l’on devrait créer », indiquait hier Jean-Louis Bal, le président du Syndicat des énergies renouvelables (SER).
Selon deux études présentées par plusieurs des parties prenantes (ONG, collectivités locales, CFDT, PME) à ce débat, préliminaire à une loi de programmation sur l’énergie au printemps 2014, une transition énergétique réussie devrait se traduire par la création de plusieurs centaines de milliers d’emplois. Les chercheurs du CNRS-Cired (Philippe Quirion) tablent sur 632.000 emplois d’ici à 2030. Les experts de l’Ademe et de l’ONG négaWatt avancent pour leur part une fourchette de 745.000 à 825.000 créations nettes à l’horizon 2050. Dans les deux cas, la plupart de ces emplois relèveront de la la rénovation thermique des bâtiments.
C’est une véritable bombe que vient de lâcher la Commission de régulation de l’énergie (CRE), en plein débat national sur la transition énergétique : s’il veut couvrir ses coûts de production pour la seule année 2013, le groupe EDF devrait augmenter les tarifs de l’électricité de 9,6 % d’ici cet été. Déjà très importante, cette hausse atteindrait un niveau astronomique si l’électricien cherchait à rattraper ses coûts non couverts de 2012 : pour les particuliers (tarif bleu) il faudrait l’augmenter de 7,6 % supplémentaire, soit 17,2 % au total dans les mois à venir.
Pour la seule année 2012, l’écart entre les coûts constatés et les tarifs s’élève à 1,47 milliard d’euros, selon le calcul de la CRE. Cette flambée tarifaire serait moindre pour les entreprises (tarifs jaune et vert). Elle s’atténuerait dans l’hypothèse d’un allongement de dix ans de la durée de vie des centrales nucléaires – ce qui permettrait à l’entreprise de lisser la hausse des prix dans le temps.
Une telle augmentation des prix de l’électricité semble difficilement acceptable pour le gouvernement, en pleine explosion du chômage et des inégalités sociales. Le gouvernement « n’envisage pas de procéder au rattrapage du retard accumulé depuis plusieurs années immédiatement, compte tenu de la situation du pouvoir d’achat », a aussitôt réagi la ministre de l’écologie et de l’énergie Delphine Batho. Ce n’est d’ailleurs pas la CRE qui fixe les tarifs de l’énergie, mais bien l’État. Autorité administrative indépendante, créée à l’occasion de l’ouverture à la concurrence des marchés de l’énergie, la commission ne dispose que d’un pouvoir consultatif sur les tarifs.
Mais dans le cadre de sa mission de contrôle des coûts de production et commerciaux d’EDF, elle jette un gros pavé dans la mare : les tarifs régulés de l’électricité actuellement en vigueur ne couvrent pas les coûts de production et de commercialisation d’EDF. Philippe de Ladoucette, le président de la CRE, devrait s’en expliquer jeudi 6 juin, lors de son audition par le conseil national du débat sur la transition énergétique.
La perspective d’une explosion des prix de l’électricité n’est pas une nouveauté : la CRE l’avait déjà noté dans un rapport de février dernier sur le fonctionnement du marché de détail (voir ici). À l’époque, elle considérait qu’une hausse d’environ 30 % était à prévoir sur la période courant de 2012 à 2017. Soit une augmentation annuelle d’environ 6 % du prix de l’électricité pour les consommateurs. Henri Proglio, le PDG d’EDF, avait aussitôt endossé cette prévision de hausse, transformée en requête publiquement formulée à de multiples reprises.
Mais l’autorité régulatrice livre aujourd’hui une analyse plus précise et plus alarmiste du système tarifaire en vigueur. Car les tarifs réglementés de vente de l’électricité « doivent a minima couvrir les coûts de production comptable des opérateurs historiques ». C’est un principe fondateur, confirmé par la jurisprudence du Conseil d’État, selon laquelle il incombe au gouvernement « de répercuter dans les tarifs qu’ils fixent, de façon périodique, les variations à la hausse ou à la baisse, des coûts moyens complets de l’électricité distribuée par EDF et les entreprises locales de distribution ».
C’est pour sanctionner le non-respect de cette règle que les juges ont annulé, en janvier dernier, trois arrêtés tarifaires sur une autre source d’énergie, elle aussi encadrée par un tarif régulé : le gaz naturel (voir ici). À la suite de ce jugement, qui promettait une forte augmentation des tarifs du gaz pour les ménages, les ministères de l’économie et de l’écologie ont établi une nouvelle formule de calcul, moins dépendante des cours du pétrole, afin de réduire les prix pour les particuliers.
Mais le gouvernement n’annonce pas pour l’instant de refonte des tarifs de l’électricité, chantier assuré de devenir un champ de mines tant la question est complexe et lourde d’impacts sociaux. Le ministère Batho se contente pour le moment d’annoncer une décision tarifaire en juillet, « après une analyse précise des facteurs d’évolution et des mesures de correction envisageables ». « L’augmentation structurelle des coûts de l’électricité confirme la nécessité d’accélérer la mobilisation pour les travaux d’efficacité énergétique, pour réduire la dépense énergétique », insiste la ministre, qui demande par ailleurs à EDF de « renforcer son programme de maîtrise des coûts ».
L’endettement financier net d’EDF atteignait 39,2 milliards d’euros fin 2012, en hausse de 5,9 milliards par rapport à l’année précédente. Or cette dette a un coût, y compris pour le contribuable, alors que l’État possède toujours 84 % du capital de l’électricien. En 2012, il a émis 7,6 milliards de plus d’emprunts qu’il n’est parvenu à en rembourser. L’année précédente, l’écart n’était que de 1,8 milliard d’euros.
D’où vient l’explosion des coûts d’EDF ? D’un peu partout, nous apprend le rapport de la CRE : coûts commerciaux, qui ont crû de 6,3 % par an depuis 2007 ; coûts fixes – où le poids des investissements « s’accroît considérablement depuis quelques années », qui ont augmenté de 5,1 % chaque année ; charges variables d’exploitation. Contrairement à une idée reçue bien ancrée, les énergies renouvelables ne représentent qu’une infime part de ce dérapage : il est donc erroné de vouloir bloquer l’essor des éoliennes et du photovoltaïque au nom de la préservation du pouvoir d’achat.
En revanche, la CRE met le doigt sur la hausse de coûts en général passés sous silence : achats de combustibles (+7 % par an), et surtout, le déploiement des certificats d’économie d’énergie (CEE), un dispositif incitatif à l’amélioration de l’efficacité énergétique, dont le coût explose de 40 % par an. Il est à remarquer que ces estimations ne prennent pas en compte les coûts de construction de l’EPR de Flamanville (voir à ce sujet l’analyse de l’économiste Benjamin Dessus).
Tous les indicateurs convergent donc vers une hausse prochaine et importante des prix de l’électricité pour les ménages et les professionnels. Au regard de l’état des comptes d’EDF, on voit mal comment l’exécutif pourrait y échapper, à moins d’entamer une vaste et ardue réforme du système tarifaire. En attendant cette échéance aujourd’hui hypothétique, l’État devra livrer un arbitrage lourd de sens politique et de conséquences sociales sur la répartition de la charge entre clients, contribuables et actionnaires d’EDF.
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Depuis 25 ans, le gouvernement britannique a consacré plus de 25 milliards de livres1 à la lutte contre la précarité énergétique ce qui en a fait un pionnier dans le domaine. De plus, le Royaume-Uni est le premier pays à avoir donné une définition au phénomène de laquelle découle directement le concept français: |
«a household is said to be ‘fuel poor’ if it needs to spend more than 10 per cent of its income on fuel to maintain an adequate level of warmth»2.
En l’espace de 5 ans, la lutte contre la précarité énergétique est devenue l’une des priorités de notre gouvernement, beaucoup plus novice sur le sujet que son homologue britannique. Doit-il s’inspirer de l’expérience du Royaume-Uni? Les nouvelles mesures d’amélioration de la performance énergétique venant d’être mise en place peuvent-elles servir de modèle aux législations tricolores?
Au Royaume-Uni, un ménage sur cinq en situation de précarité énergétique
En 2010, le nombre de ménages en situation de précarité énergétique au Royaume-Uni a été estimé à 4,75 millions de ménages soit 19% des foyers. Parmi les quatre principales nations qui constituent le Royaume-Uni, l’Irlande du Nord est celle qui a la plus grande proportion de ménages précaires du fait d’une plus grande proportion de ménages non raccordés au réseau de gaz et des salaires en moyenne plus faibles.
Mesurée depuis 1996, la précarité énergétique au Royaume-Uni affiche un historique riche en rebondissements. En effet, le phénomène a subi une première période de chute libre entre 1996 et 2003, imputable à la combinaison d’une baisse des prix de l’énergie domestique, d’une hausse des revenus, mais aussi de mesures d’efficacité énergétique dans les habitations. Ensuite, entre 2004 et 2009, les prix de l’énergie ont explosé et le nombre de ménages en situation de précarité énergétique a presque triplé malgré une hausse des revenus et l’amélioration de l’efficacité énergétique. Aujourd’hui, les observateurs présagent une nouvelle augmentation du phénomène.
Le Royaume-Uni conjugue depuis plus de 10 ans sa politique d’efficacité énergétique avec ses mesures de lutte contre la précarité
Similairement à ce qui est fait en France, les mécanismes de lutte contre la précarité énergétique au Royaume-Uni sont de deux types : des mesures curatives qui aident les ménages en difficulté à payer les montants élevés de leurs factures d’énergie, auxquelles s’ajoutent des mesures préventives qui permettent aux ménages de consommer moins d’énergie et par conséquent de réduire leur facture. Ainsi, depuis une dizaine d’années, le Royaume-Uni possède des tarifs sociaux dont le montant et les critères d’éligibilité étaient initialement laissés à la libre appréciation des fournisseurs d’énergie. Depuis le 1er avril 2011, la mise en place du « Warm Home Discount » a poussé à une homogénéisation de ces tarifs : les ménages modestes peuvent recevoir une aide à hauteur de 135£ 3 financée par les fournisseurs, ce qui représente environ 10% de leur facture d’énergie.
D’autre part, dans le but de renforcer les mesures préventives nationales liées à l’efficacité énergétique, le Royaume-Uni a voté en 2012 une nouvelle grande loi sur l’énergie : l’ « Energy Act 2011 ». Cette loi vise au développement à partir de 2013 d’un «Green Deal» et d’un nouveau programme appelé « Energy Company Obligations» (ECO). Ces mesures se substituent au programme des certificats d’économie d’énergie anglais CERT4, sa partie destinée à la lutte contre la précarité énergétique dans les quartiers défavorisés CESP5 mais aussi au «Warm Home Scheme»6 qui arrivaient tous à échéance en 2012.
Le Green Deal fixe un nouveau cadre de financement pour les travaux d’amélioration de la performance énergétique des bâtiments résidentiels et tertiaires, avec pour objectif la rénovation de 14 millions de logements d’ici 2020. Depuis janvier 2013, des «fournisseurs Green Deal» (fournisseurs d’énergie et certaines enseignes de la grande distribution7) financent directement pour leurs clients des travaux d’amélioration énergétique standards (isolation des combles, des murs, pose de double vitrages…). Ils seront ensuite remboursés au fil du temps grâce aux économies réalisées, via la facture d’énergie du consommateur8 dont le montant ne changera pas.
Le programme ECO fixe quant à lui des obligations d’économie de CO2 aux fournisseurs d’énergie et apporte des crédits supplémentaires là où le Green Deal est insuffisant. Deux avancées majeures dans la nouvelle loi sur l’énergie pourraient aussi inspirer la France sur la protection des locataires: à partir d’avril 2016 le propriétaire ne pourra plus refuser d’engager des travaux réclamés par le locataire dans le cadre d’un Green Deal ou ECO. A partir d’avril 2018, il sera légalement interdit de louer des locaux qui n’atteignent pas un niveau minimal d’efficacité énergétique (a priori initialement fixé à l’étiquette «E» du DPE anglais9).
La France, en retard sur le phénomène de précarité énergétique, pourrait s’inspirer de l’expérience du Royaume-Uni
Aujourd’hui, la France manque de recul sur les effets induits par ses mesures de lutte contre la précarité énergétique mais pourrait apprendre beaucoup de l’exemple anglais. Précédemment, Sia Partners avait établi une comparaison des tarifs sociaux en France et au Royaume-Uni et souligné les similitudes des mécanismes en place, à l’exception du fait que ce sont les fournisseurs britanniques qui financent ces tarifs et non les clients.
Par contre, sur les mesures d’amélioration de la performance énergétique des logements l’approche du Royaume-Uni semble tout de même plus originale, ambitieuse et efficace. A titre d’illustration, en 4 ans, la proportion de logements des ménages précaires ayant une étiquette B, C ou D sur le DPE anglais est passée de 40 à 56%. Contrairement à la France, le gouvernement britannique a essayé d’associer l’objectif de diminution des émissions de CO210 à la lutte contre la précarité énergétique au travers des mécanismes CERT et CESP de certificats d’économie d’énergie. En effet, 40% des obligations de réduction et donc des travaux réalisés dans le cadre du CERT devaient obligatoirement être réalisés auprès d’un «groupe prioritaire» (personnes disposant de faibles revenus ou âgées). L’autre dispositif, le CESP, concernait quant à lui uniquement les quartiers défavorisés. Cependant, après l’expérimentation de ces mécanismes, l’«Energy Retail Association»11 a conclu qu’il était inapproprié de mélanger ces deux objectifs. En effet, les obligations sur la proportion de ménages modestes subventionnables ont rendu le mécanisme coûteux et difficile à soutenir pour les fournisseurs qui devaient clairement identifier ce « groupe prioritaire », au détriment du réel objectif d’économies de CO2. Ainsi, en 2013, le Green Deal et ECO ont revu le principe du « groupe prioritaire » pour une obligation de réduction des coûts de chauffage sur les ménages précaires et apportent notamment une solution au financement des travaux.
Dans le dispositif des CEE (certificats d’économie d’énergie) français, le lien avec la précarité énergétique a été pensé différemment puisque ce sont les programmes de rénovation qui sont valorisés en certificats. Cependant, afin de satisfaire à l’un des principaux axes d’amélioration du dispositif relatif aux ménages modestes, le gouvernement réfléchit à mettre en place pour la troisième période des CEE un mécanisme de tiers financement où un opérateur financerait les travaux et se ferait rembourser par les économies d’énergie (partagées à moitié avec le consommateur), similairement au mécanisme Green Deal. L’instauration de quotas sur le nombre de ménages précaires, bien que remis en cause outre-Manche, est également en cours de concertation.
Enfin, le Royaume-Uni est en avance sur le programme «Habiter Mieux» français pour les mesures de subvention des travaux. Son programme ECO finance le montant total des travaux, pour un plafond de ressources plus élevé et plus de travaux éligibles, le tout accessible à la fois au propriétaire et au locataire. En parallèle, le programme Green Deal propose un financement intelligent des travaux qui va bien au-delà de l’éco-prêt à taux zéro français, trop peu ambitieux avec ses restrictions sur les travaux éligibles et n’ayant pas su séduire sur son fonctionnement similaire à un prêt classique.
Aujourd’hui, de nombreux mécanismes de lutte contre la précarité énergétique ont été testés au Royaume-Uni et lui permettent de bénéficier d’un retour d’expérience que les autres pays en Europe n’ont pas encore. Les mesures mises en place jusque-là sont globalement efficaces mais ne suffisent pas pour diminuer le nombre de ménages précaires dans la conjoncture défavorable d’augmentation des prix de l’énergie. Grâce à ces retours, le gouvernement britannique a récemment revu sa copie et vient de lancer une série de nouvelles initiatives. Parmi elles, le mécanisme Green Deal pourrait offrir une solution au problème majeur de financement des travaux pour les ménages modestes sans dépenser d’argent public, à une époque où les gouvernements sont bloqués avec des déficits budgétaires massifs. En attendant les premiers résultats, la France pourrait avoir tout intérêt à s’inspirer de ce mécanisme pour faire évoluer ses législations en vigueur…
Références :
(1) Rapport du Médiateur National de l’Energie
(2) « Un ménage est en situation de précarité énergétique s’il a besoin de dépenser plus de 10% de ses revenus en énergie pour garder une température adéquat dans son logement »
(3) Montant de la subvention pour l’année 2012/2013
(4) Carbon Emission Reduction Target
(5) Community Energy Saving Programme
(6) Mécanisme de subvention de travaux d’amélioration de la performance énergétique à hauteur de 3500£
(7) Tesco, Mark&Spencer, B&Q, …
(8) Le fournisseur d’énergie reverse la somme perçue à travers la facture au « fournisseur Green Deal »
(9) L’étiquette « E » du DPE anglais équivaut approximativement à l’étiquette F du DPE français.
(10) Dans la loi « Climate Change Act 2008 », le gouvernement britannique s’est donné comme objectif de réduire les émissions de CO2 de 34% d’ici 2020 et 80% d’ici 2050
(11) Association de fournisseurs d’énergies au Royaume-Uni
La France est un des rares pays européens où la part de l’électricité provenant d’énergies nouvelles et renouvelables (ENR) a diminué entre 1990 et 2011[1]. Notre pays se prive ainsi d’un gisement d’emplois, estimé pour 2030 à plus de 500.000 emplois[2] et d’un formidable filon de croissance et d’innovation.
On sait par ailleurs que l’efficacité énergétique et le développement des ENR, ressources nationales, abondantes et inépuisables, représentent un réel atout pour réduire les importations d’énergies primaires (pétrole, gaz et uranium [3]). Celles-ci représentaient en 2012 la bagatelle de 69 milliards d’euros.
Il faut donc créer de façon urgente les conditions d’un « choc énergétique ».
Le pays s’est lancé fin 2012 dans un débat sur la transition énergétique dont on peut regretter qu’il soit peu audible [4] : organisation confuse, absence de pédagogie, débats territoriaux peu convaincants. C’est dans ces conditions que se poursuit l’asphyxie de la filière photovoltaïque, qui a de graves conséquences sur l’emploi. Les « mesures d’urgence » n’empêchent pas la disparition d’une à trois PME chaque semaine, dans l’indifférence générale. Ce constat est confirmé au plus haut sommet de l’Etat : « moins 15.000 emplois en deux ans », a reconnu François Hollande lors de la Conférence Environnementale le 14 septembre dernier. Pire, l’organisation du marché, de plus en plus étouffante, inquiète les quelques PME qui surnagent et désespèrent d’être entendues.
L’objectif récemment revu mais étriqué d’environ 900 MW/an [5] interdit toute ambition industrielle nationale, pendant que des dispositifs règlementaires font vaciller les efforts et les financements. De plus, le maintien d’une procédure d’appels d’offre inefficace et de plus en plus discriminatoire décourage le plus têtu des entrepreneurs, étranglé et dissuadé par la politique tarifaire.
Bien sûr, l’objectif peut sembler louable : limiter le dumping chinois. Mais on se trompe de cible. Le but doit être de produire massivement des kWh « verts » sur le territoire national, garants d’une plus grande indépendance, car il s’agit ici d’un des principaux enjeux de la transition énergétique.
Que pèsent en effet, deux à trois cent millions d’euros de modules chinois importés face aux 69 milliards du déficit énergétique du pays ? L’immense majorité des emplois de la filière proviennent d’abord de l’ingénierie des projets, de la fabrication des composants, de la construction, des logiciels, de la maintenance, tous non délocalisables et à haute valeur ajoutée. Imagine-t-on que la France puisse un jour concurrencer les Chinois dans la fabrication de PC ou de smartphones ? Malheureusement, non. Par contre, nous le faisons dans leurs multiples utilisations (R&D, sociétés de services informatiques, opérateurs, développement d’applications…). Et puis, s’insurge-t-on que les éoliennes d’Areva ou d’Alstom soient fabriquées respectivement en Allemagne et en Espagne. S’émeut-on que les cuves des réacteurs nucléaires EPR actuellement en construction soient fabriquées au Japon ?
Les objectifs 2020 sur lesquels la France s’est engagée vis-à-vis de l’Europe sont pourtant déjà hors de portée. On ne doit donc pas attendre 2014 / 2015 pour voir s’appliquer les premières mesures du débat sur la transition énergétique. Si pour le solaire par exemple, le moratoire de décembre 2010 a généré, par un simple arrêté, la perte de 15.000 postes, un nouvel arrêté pourrait en recréer au moins 10.000 dans l’année [6]. Au nom de quoi s’en priver, alors que la lutte contre le chômage est considérée par 80% des Français[7] comme la « priorité des priorités ».
Il est temps de prendre rapidement de telles mesures et de fixer un objectif ambitieux et crédible de production d’énergie solaire (au moins 25.000 MW). Avec de la volonté et du courage, un choc énergétique est à portée de main.
Par Paul Quilès et Benoit Praderie
Paul Quilès est ingénieur, maire de Cordes-sur-Ciel, ancien ministre et ancien député
Benoit Praderie est ingénieur, entrepreneur et président de la fédération d’associations Planète Eolienne
[1] « Energie : le retard français. » Alternative Economique, mars 2013.
[2] Etude récente du CIRED (Centre international de recherche sur l’environnement et le développement) approfondissant les travaux de l’association NEGAWATT
[3] Car, en tenant compte des importations d’uranium, le taux d’indépendance énergétique réel du pays n’est que de 10% environ, loin des chiffres supérieurs à 50% annoncés officiellement.
[4]Sondage IPSOS, déc. 2012 : 4 Français sur 5 n’ont jamais entendu parler du débat national sur la transition énergétique mais 4 Français sur 5 le jugent important.
[5] C’est ce qu’ont installé l’Allemagne et l’Italie l’année dernière en… 3 semaines !!
[6] Par exemple : abandon des appels d’offres et de l’intégration au bâti, rétablissement d’un tarif simplifié avec 3 niveaux de puissance (0,35 €/kWh jusqu’à 9 kW, 0,15€/kWh jusqu’à 4,5 MW, 0,11€/kWh jusqu’à 10 MW, pas de tarif au delà), révision annuelle (et non plus trimestrielle) des tarifs planifiés sur le long terme (principe allemand du « corridor »), accélération des délais d’instruction, mise en place d’une contribution de 0,5 centime par kWh produit pour financer la R&D.
[7] Sondage IFOP pour Sud-Ouest du 6 avril 2013
http://www.enerzine.com/823/solaire—la-france-en-retard-d-un-choc-energetique/participatif.html
Le gaz de schiste approche lui aussi de son pic…
Ah, les miracles promis par le gaz de schiste, « la manne extraordinaire sous nos pieds » vantée par la patronne du Medef , la promesse d’une Amérique indépendante pour cent ans ! Ô, châteaux en Espagne, lubies fantasmagoriques, rêves insensés ! Mais le songe creux d’une énergie inépuisable s’évapore comme le méthane, les faits commencent à dissiper les discours mensongers de ceux qui ne veulent rien changer.
Le 8 mai, on a appris que deux compagnies gazières, Talisman Energy et Marathon Oil, se retiraient de l’exploration du gaz de schiste en Pologne. Pourquoi ? Parce qu’elles n’ont pas trouvé suffisamment de gaz, qui se révèle ne pas être aussi aisé à extraire qu’aux Etats-Unis. Sur 43 puits creusés jusqu’à présent en Pologne, seuls 12 ont produit du gaz. La Pologne, à qui l’on avait promis des réserves immenses de 5 trillions de mètres cubes, ramenées ensuite à 800 milliards, découvre la différence entre le potentiel, le possible et le faisable.
Il ne fait guère de doute que d’autres pays vont subir les mêmes déconvenues que la Pologne, même s’ils sont prêts à faire fi de ce qu’implique l’exploitation des gaz de schiste : l’atteinte aux paysages, la consommation et la pollution des eaux, les émissions de gaz à effet de serre. Et même aux Etats-Unis, la réalité apparaît moins rose qu’elle n’est usuellement présentée.
Le pot aux roses, justement, a été découvert par un géologue canadien, David Hughes, dans une importante étude publiée par le Post Carbon Institute, en février. Le chercheur a analysé les données historiques de production sur 65 000 puits forés aux Etats-Unis. Il met en évidence un phénomène connu, mais jusque-là pas systématiquement étudié : la production de gaz de schiste ne peut se maintenir à des niveaux élevés qu’à condition de creuser sans arrêt de nouveaux puits. En effet, le rendement d’un puits isolé décline très rapidement dans le temps.
Même si le nombre de puits forés se maintient à un niveau très élevé (43 000 aux Etats-Unis en 2012, selon Oil and Gas Journal), la production globale tend à se stabiliser. Le même constat est applicable au pétrole de schiste, qui se développe rapidement dans le Dakota du Nord. En fait, estime Hughes, un pic du gaz et du pétrole de schiste va se produire aux Etats-Unis, c’est-à-dire que la production va stagner avant de décliner. Date prévue : 2017.
Ce phénomène reflète une loi fréquemment oubliée par le discours dominant, qui est celle des rendements décroissants. En énergie, elle trouve son application dans le concept de « taux de retour énergétique » (TRE ; en anglais, EROI, « energy return on energy invested »). Celui-ci traduit le fait que pour obtenir une certaine quantité d’énergie, il faut dépenser de l’énergie. Le rapport entre ces deux quantités est le taux de retour énergétique. Et la loi dominante de l’époque que nous vivons est que le TRE diminue tendanciellement : il faut dépenser de plus en plus d’énergie pour en obtenir. L’ère de l’énergie peu chère est derrière nous. Compris, le Medef ?
http://www.reporterre.net/spip.php?article4240
2 Gazomètres 2150 m³ – Valladolid Espagne
Afin de réduire les problèmes d’intermittence des ENR, le projet VGV propose de stocker sous forme de méthane les excédents électriques pour réinjecter l’énergie lors des pointes. Une solution étudiée en Allemagne en synergie avec la méthanisation.
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Laurence Mermet
Collaboratrice groupe des élu-e-s Europe Ecologie au Conseil régional de Bretagne
Kenlabourer dilennidi Europa Ekologiezh Ar re C’hlas e kuzul rannvro Breizh